Le lent chemin du droit français vers la reconnaissance de l’autonomie reproductive des femmes dans le domaine médical

Par Marie Mesnil, Docteure en droit privé, Enseignante à l’Université Paris Descartes – Sorbonne Paris Cité, Institut Droit et Santé UMR S 1145


En France, le régime juridique des actes médicaux non thérapeutiques qui interviennent dans le domaine de la reproduction se distingue par l’existence de dispositions spécifiques en matière d’information et de consentement. Ces règles peuvent être présentées comme renforçant l’expression du consentement dans la mesure où celui-ci est à l’origine de l’acte médical alors qu’il n’existe par ailleurs aucune nécessité médicale d’y recourir. Il est toutefois possible d’y voir l’expression d’un paternalisme médical persistant dans un domaine qui s’adresse, en dépit de formulations juridiques neutres, principalement aux femmes. Ces dispositions tranchent nettement avec le mouvement de reconnaissance des droits des usagers qui se développe en droit français depuis le début des années 2000. Si elles tendent à être ponctuellement remises en cause, ces évolutions ne sont pas pour autant accompagnées d’une réflexion d’ensemble sur les corps féminins, notamment reproductifs, face aux pratiques et au pouvoir médical.

 

Concernant l’information, il existe un droit général de l’usager d’être informé sur son état de santé, « les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ». À ce droit générique s’ajoute des dispositions spéciales prévues en cas de recours à certains actes médicaux, et notamment en matière de reproduction. L’objet de l’information n’est alors pas seulement de nature médicale, puisque l’information doit parfois également porter sur les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’acte, ou encore sur les alternatives non-médicales qui existent. Cela est particulièrement flagrant en matière de procréation médicalement assistée : le médecin doit ainsi exposer au couple les dispositions juridiques d’accès aux techniques de PMA mais également « leur rappeler les possibilités ouvertes par la loi en matière d’adoption ». On peut alors se demander si l’information vise uniquement la recherche du consentement éclairé du patient à l’acte médical envisagé. D’autres objectifs semblent en effet être assignés à ces dispositions qui placent le médecin en dehors de son champ de compétences médicales. Lorsqu’une femme a eu recours à une interruption volontaire de grossesse, il est par exemple prévu en droit français que l’établissement assure « l’information de la femme en matière de régulation des naissances » afin d’éviter un recours ultérieur à l’IVG.

 

De la même manière que l’information ne vise pas nécessairement à obtenir un consentement éclairé de la personne et à favoriser son autonomie, les règles qui « renforcent » l’expression du consentement pourraient être perçues comme un affaiblissement de l’autonomie de la personne dans la mise en œuvre de ses droits sexuels et reproductifs. Ainsi, le consentement doit souvent être renouvelé après l’expiration d’un délai de réflexion et être exprimé, de manière formalisée, par écrit. Par exemple, le délai de réflexion est d’un mois en matière de procréation médicalement assistée et de quatre mois en matière de stérilisation à visée contraceptive, tandis que le délai de sept jours pour obtenir une interruption volontaire de grossesse a été très récemment supprimé. La suppression du délai de réflexion concernant l’IVG s’inscrit dans un mouvement en faveur d’une meilleure reconnaissance de celui-ci comme un acte médical à part entière : peu de temps auparavant, la mention de l’état de détresse, au cœur de la loi Veil de 1975, avait été supprimée par la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

 

Quant à la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, elle introduit une rupture significative en précisant explicitement que toute personne a le droit d’être informée sur les méthodes abortives et sur l’ensemble des méthodes contraceptives et d’en choisir une librement. En matière de contraception, il est précisé que l’information et le choix découlent de l’application des articles L. 1111-2 et L. 1111-4 du Code de la santé publique relatifs au droit à l’information et au consentement des usagers du système de santé. Ce qui revient, en d’autres termes, à admettre, d’une part, qu’il s’agit d’une simple déclinaison des droits généraux des usagers du système de santé et, d’autre part, qu’il est nécessaire que ceux-ci soient spécifiés pour être effectifs.

 

Incontestablement, il y a actuellement un rapprochement entre le régime juridique des actes médicaux non thérapeutiques relatifs à la reproduction -et qui concernent davantage les femmes- et les dispositions générales, notamment en matière de droits des usagers. Cette évolution qui tend à faire pénétrer le mouvement en faveur de l’autonomie des usagers du système de santé dans le domaine reproductif ne peut être que saluée. En effet, il semble plus que paradoxal de ne pas offrir aux femmes, comme aux autres usagers du système de santé, une reconnaissance de leur autonomie et des droits qui visent à garantir celle-ci dans une relation médicale traditionnellement déséquilibrée.

Ce contenu a été mis à jour le 23 juin 2017 à 1 h 32 min.

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