Nouveau billet de blogue: Les violences obstétricales et gynécologiques (VOG) : la nécessité de faire le point au Québec

Par Audrey Ferron Parayre, professeur adjointe, Faculté de droit, Université d’Ottawa

L’actualité a mis au jour dans les dernières semaines un concept qui, sans être inédit, suscite une attention nouvelle au Québec : les violences obstétricales et gynécologiques (VOG). D’abord abordées dans le cadre de la semaine mondiale pour l’accouchement respecté en mai dernier (voir également ici et ici), elles ont à nouveau fait les manchettes suite à la condamnation déontologique du Dr Allan B. Climan, accusé et reconnu coupable d’avoir eu des paroles et des comportements inappropriés envers une patiente enceinte (décision ici).

Alors que cette patiente s’exprimait sur le traitement pour le moins irrespectueux dont elle a été victime, les réactions du Collège des médecins, de l’Association des obstétriciens et gynécologues du Québec et de la Fédération des médecins spécialistes du Québec ont notamment été rapportées. Les regroupements communautaires défendant les droits des femmes, de même qu’un avocat, ont également apporté leur voix au débat. Si tous s’entendent pour dire que le comportement du Dr Climan est condamnable, leurs réactions face au concept même des VOG laisse percevoir les incertitudes et ambivalences que ce concept suscite.

Les VOG sont certes dénoncées au Québec, mais elles ont été peu étudiées, et leur définition même demeure difficile. Une analyse conceptuelle réalisée au Québec propose de définir ainsi les violences obstétricales – ayant donc trait à la périnatalité, à l’exclusion des soins gynécologiques non liés à la grossesse :

La violence obstétricale vécue dans les établissements de soins de santé englobe des gestes accomplis ou l’exercice de certaines pratiques professionnelles – ou leur omission –, durant l’accouchement, sans l’accord et le consentement éclairé des femmes, ce qui entraîne une négation de leur agentivité reproductive. Cette violence systémique crée et renforce les inégalités de pouvoir qui existent au moment de l’accouchement, et cause de la souffrance et de la détresse chez les femmes. Les manifestations, la reconnaissance, l’impact et l’ampleur de cette violence varient d’une personne à l’autre et d’une culture à l’autre.

Plus globalement, nous proposons que les VOG ont trait à des comportements ou des traitements qui portent atteinte à la dignité, à la sécurité et à la liberté des patient.e.s par leur caractère irrespectueux, inapproprié ou dégradant, et qui engendrent détresse, souffrance ou inégalités de pouvoir.

Au cœur de ces violences se trouve assurément le manque, voire l’absence de consentement libre et éclairé aux soins. Le consentement était central dans l’histoire de la patiente traitée avec irrespect par le Dr Climan ; il l’était également dans le cas d’une autre patiente suivie en fertilité, dont le médecin a été déclaré coupable par le Tribunal des professions d’avoir procédé à une opération gynécologique sans son consentement. Fondamentalement, l’intégrité physique et psychologique de tout être humain, de même que son autonomie sont protégés par ce processus essentiel qu’est le consentement. Sans lui, le soin prodigué est une atteinte aux droits fondamentaux du patient, et ce même si ce soin a été bien fait, et en n’ayant en tête que le bien-être du ou de la patient.e.

En matière de soins obstétricaux par exemple, une recherche en Colombie-Britannique suggère que les femmes souhaitent ardemment que leur autonomie soit respectée et être en charge des décisions qui concernent leur grossesse, leur bien-être et le bien-être de leur enfant. L’étude démontre toutefois que malgré cette préférence, les décisions de soins sont encore majoritairement prises par les professionnels de la santé. Au Québec, une thèse de doctorat en droit a également conclu que l’accouchement se révélait une expérience de soins pour les femmes où le consentement était plus facilement bafoué, notamment en remettant en cause l’aptitude des femmes ou en ne leur fournissant pas toute l’information pertinente à la prise de décision.

Mais au-delà des définitions des VOG et de la question du consentement, quelle est réellement la situation au Québec? L’absence de données valides et fiables sur ce sujet génère un débat qui, sans être stérile, pousse les parties prenantes à parler des langages différents, sans assise commune. Non, les professionnels de la santé ne sont pas intentionnellement violents ou mus par un désir de blesser leurs patient.e.s. Oui, certainement plus de femmes que de rares « cas isolés » font l’expérience de soins obstétricaux et gynécologiques qui leur paraissent violents, irrespectueux ou inappropriés, engendrant une atteinte à leur dignité et à leur autonomie, sans nécessairement les dénoncer. Dans tout ce débat, entre dénonciation et déni, de quoi est faite la réalité?

Afin de permettre une meilleure compréhension de cet enjeu fondamental pour la santé des femmes (de sexe ou de genre, définitif ou en transition), les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) ont financé un projet de planification de la recherche visant à amorcer une discussion entre tous les acteurs impliqués – patient.es, professionnel.les de la santé, organismes communautaires et de défense des droits des femmes, chercheurs et chercheuses. Ce projet permettra d’identifier les préoccupations des acteurs directement touchés par les soins obstétricaux et gynécologiques afin de permettre la co-construction de projets de recherche futurs qui répondront à des besoins bien réels. Face à cet enjeu important et au milieu de ce débat, il est nécessaire de travailler tous ensemble à apporter quelques réponses, et espérons-le, des pistes de solutions pour les années à venir.

Ce contenu a été mis à jour le 10 juin 2020 à 15 h 15 min.

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